Quelques réflexions politiques un an après les élections fédérales d’octobre 2019
Les Chambres fédérales ont achevé vendredi leur session extraordinaire de deux jours et, avec elle, la première année de la législature. Je saisis cette occasion pour revenir sur quelques aspects de bilan et de perspective.
L’adoption des lois sur le CO2, la rente-pont AVS et le mariage pour toutes et tous montrent que la majorité automatique du PLR et de l’UDC a vécu. La droite reste majoritaire, mais avec le PDC et les Vert’libéraux, il est parfois possible de dégager de courtes majorités sur certains sujets. Il ne faut cependant pas perdre de vue que ces partis ont des positions le plus souvent réactionnaires en matière sociale et économique.
Le COVID-19 a généré une crise qui menace l’existence économique des pans entiers de travailleureuses salarié·es et de petit·es indépendant·es.
Durant la première vague de la pandémie, les forces de droite ont soutenu l’adoption de mesures pour sauver des vies, avec le semi-confinement accompagné de quelques aides sociales. Dans la phase actuelle, qui s’ouvre avec la deuxième vague de COVID-19, sous la pression des milieux économiques, la droite a changé d’optique.
D’une manière générale, la droite veut faire payer la note aux salarié·es, notamment des services publics. A Genève, elle attaque les conditions de travail et les salaires des employé·es du secteur public qui ont permis de maintenir la cohésion sociale et de protéger les intérêts primordiaux de la population (santé, éducation, sécurité, etc.), comme notamment les infirmières.
La droite veut au plus vite rétablir le taux de profit des entreprises. Elle est prête à laisser périr économiquement celles qui ne seraient pas immédiatement et fortement rentables, ainsi qu’à exposer la population au risque de tomber malade et de contaminer leurs proches.
Le discours de la droite peut se résumer ainsi : si on ferme les entreprises, ce sont les jeunes qui paieront. Cette dernière tente de diviser les salarié·es et les petit·es indépendant·es entre jeunes et vieux. Elle tente de faire disparaître du débat les immenses disparités économiques qui existent dans la société. La crise ne frappe pas toute la population de la même manière. Les propriétaires d’immeubles locatifs et commerciaux ont très peu perdu, contrairement à leurs locataires.
Tandis que la droite soutient des dépenses somptuaires dans le domaine militaire, avec l’achat de mortiers qui prennent l’eau et d’autres plaisanteries du même type, elle s’apprête à approfondir ses attaques contre le droit du bail, la politique du logement et les assurances sociales.
Les Chambres fédérales débattent en ce moment des propositions de Feller et Nantermod qui visent à démanteler la protection contre les loyers abusifs. Une motion de commission demande également de revoir l’ensemble du système de protection pour le rendre « plus équilibré ». Il faut entendre par là affaiblir la capacité pour le locataire de contester son loyer initial et les hausses de loyers.
La droite veut également péjorer les retraites des femmes et des jeunes salarié·es. Avec AVS 21, elle souhaite imposer à toutes les femmes de travailler une année de plus et aux salarié·es à faibles revenus de travailler jusqu’à 70 ans, alors même que leur espérance de vie est plus courte.
La gauche doit agir pour sauver l’existence économique des salarié·es et des petit·es indépendant·es, dans l’immédiat avec des mesures concrètes et en proposant de renforcer et d’élargir le service public et les assurances sociales.
L’ASLOCA Genève a montré l’exemple en avril, en réagissant immédiatement pour venir en aide aux locataires. Si elle a trouvé porte close auprès du Conseil d’Etat pour les locataires d’habitation, elle est parvenue à conclure un accord avec les milieux immobiliers en faveur des locataires commerciaux. Ceci a permis de sauver plusieurs milliers de petits commerçant·es. Cet accord est plus favorable aux locataires que tout ce qui s’est fait ailleurs en Suisse. Il a en effet bénéficié à tous les locataires commerciaux dont les loyers étaient inférieurs à CHF 3’500.-, et non pas aux seules entreprises contraintes de fermer par décision du Conseil fédéral. Il a permis à la majorité des locataires qui en ont profité d’être totalement exonéré·es de leur loyer.
Cet accord a été critiqué par un député de SolidaritéS, au motif qu’il prévoyait une participation de l’Etat au paiement du loyer, partant aurait indirectement bénéficié aux bailleurs. Il n’est pas possible de répondre à un problème concret – ne pas pouvoir payer son loyer et être menacé de résiliation de bail – par un principe : les bailleurs doivent payer. Une fois la crise passée et les locataires hors de danger, il sera temps de tirer des bilans sur la spéculation et l’attitude des bailleurs, dont se souviendront celles et ceux qui auront bénéficié de cette aide.
Ce printemps, le Conseil fédéral a mis sur pieds des embryons de nouvelles assurances sociales, notamment en étendant les APG à certain·es indépendant·es. L’objectif pour la gauche doit être de maintenir, de renforcer et d’étendre le système d’assurances sociales, qui connaît des trous béants. Les petit·es indépendant·es et les travailleureuses précaires doivent pouvoir bénéficier du chômage et d’allocations pour pertes de gains.
Pour financer ces mesures de soutien, il faut renforcer la solidarité, par un impôt de crise sur l’économie immobilière notamment.
Les salarié·es doivent s’unir pour défendre ces revendications et soutenir les petit·es indépendant·es et commerçant·es.